Le territoire
L’Ardèche méridionale est depuis quelques décennies une région attractive (tant pour les nouveaux arrivants que pour les touristes), avec une population qui a augmenté au cours des 20 dernières années après plus d’un siècle d’exode rural.
L’agriculture locale est très diversifiée bien que la vigne et la châtaigne dominent dans certaines zones. Il existe une diversité d’initiatives, tant de la société civile que des réseaux d’agriculteurs autour des circuits courts alimentaires, de l’échange de semences, de l’entraide, etc. Les premières unités collectives de transformation et les premiers magasins de producteurs sont apparus dès les années 1980. Plus récemment, certaines initiatives ont commencé à se concentrer sur les questions sanitaires et sociales dans une région où le niveau moyen de pauvreté est plus élevé que la moyenne. Cependant, les effets du changement climatique menacent de nombreuses productions agricoles et on observe certaines tendances à la concentration (dans le secteur de l’élevage) et à la spécialisation (dans le vignoble), tandis que de nombreux nouveaux arrivants ont des difficultés à trouver des terres pour développer de petites exploitations.
Si la transition agroalimentaire est au premier plan de nombreux programmes et politiques locales, l’enjeu principal est aujourd’hui d’envisager cette transition de manière juste et inclusive.
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Référente
Claire Lamine (INRAE)
Autres participants
Pedro Lopez-Merino (INRAE)
Danièle Magda (INRAE)
Richard Bonin (PNRMA)
claire.lamine[at]inrae.fr
Système alimentaire territorial
Type de région : Rurale avec de petites villes et des zones montagneuses très peu denses ; paysages diversifiés.
Superfice et population approximative
130.000 habitants, environ 2.500 km2 ; environ 50 habitants/km2
Population en augmentation (attractivité pour les jeunes et les retraités) ; densité très hétérogène.
Type d'agriculture
La taille moyenne des exploitations est de 27 ha (55 ha en France).
Le secteur agroalimentaire au sens large est un secteur économique clé.
Agriculture très diversifiée avec quelques productions spécialisées (fruits, vin), forte présence de signes/chaînes de qualité (vin, châtaigne).
Tendances hétérogènes : diversification et spécialisation ; concentration et augmentation des petites exploitations.
Circuits courts (et antériorité)
36 % des exploitations agricoles concernées par les circuits courts dans le département de l’Ardèche.
Très présent et diversifié (nombreux magasins de producteurs et marchés de producteurs), nombre croissant d’initiatives ; longue histoire (années 1990).
Principaux problèmes sociaux
Revenu moyen des ménages le plus faible de la région.
Pauvreté rurale (souvent invisibilisée), manque de services publics.
Présence de systèmes agro-écologiques
Agriculture biologique = environ 20%.
Pratiques d’élevage extensif (nourri au pâturage) et de châtaigniers, forte présence de réseaux paysans et agroécologiques.
Dynamiques et initiatives spécifiques aux systèmes agroalimentaires (et antériorité)
Transformation de petite/moyenne taille (depuis longtemps) ; initiatives d’accès social et de santé (plus récentes) ; réseaux d’éducation alimentaire et environnementale.
La transition agroalimentaire
Principaux enjeux de la transition : Changement climatique / Qualité des produits / Justice sociale (enjeux convergents et concurrents)
Principaux obstacles à la transition vers l'agroécologie
Manque de volonté politique, manque d’intersectorialité (bien qu’en amélioration)
Les principaux acteurs de la transition
Autorités locales, groupements d’agriculteurs, chambre d’agriculture, etc.
Institutionnalisation de la transition agroalimentaire
Divers projets en cours liés à un contexte institutionnel favorable (sur les stratégies alimentaires et la transition écologique)
Acteurs exclus des projets
Publics marginalisés en tant que tels (bien que représentés par les OSC/services publics)
Références (études) et contacts
https://www.assiette-territoire.com/ (Projet de recherche-action et réseau)
Initiatives clefs
La marque Goutez l’Ardèche pour les produits du terroir
Créée en 1994, aujourd’hui sur 400 produits, faible niveau d’exigence au plan écologique mais génératrice d’une dynamique plus importante, avec un large réseau et d’autres innovations comme les “Etapes savoureuses”.
Stolons
Marchés “drive” de produits biologiques organisés par l’association des producteurs biologiques locaux.
Agrialimen’terre
Projet basé sur un réseau d’agriculteurs locaux et des interventions pédagogiques dans les écoles locales sur l’agriculture locale, l’alimentation et la santé. Il est animé par les Civam07
Notre approche
En Ardèche méridionale, un projet de recherche-action locale, l’Assiette et le Territoire, lancé en 2019 avec diverses organisations et acteurs locaux, a conduit une réflexion collective sur les transitions passées et en cours. Un collectif de recherche-action d’environ 25 personnes (chercheurs et acteurs locaux), a été créé et a mené une série d’analyses (dont celle de la trajectoire) et d’actions ciblées et organisé un forum local qui a réuni plus de 100 personnes en septembre 2021. Co-portée par l’Inrae et le PNR des Monts d’Ardèche, tous deux rattachés à l’ATTER, cette dynamique de recherche-action se poursuit avec un travail de thèse débutant en juillet 2022 et la création d’un conseil local de l’alimentation en 2022 sur la base de cette expérience antérieure.
Trajectoires
Méthode
L’analyse de la trajectoire s’est appuyée sur des travaux longitudinaux (études diverses) réalisés dans la région sur une période de 15 ans, sur l’analyse documentaire et sur des ateliers tenus pendant environ un an avec deux groupes, un collectif de recherche-action d’environ 25 personnes (chercheurs et acteurs locaux), comparable à un conseil alimentaire local et destiné à rester, et un groupe plus restreint de 9 personnes, qui a travaillé spécifiquement sur la trajectoire pendant cette période. L’identification des programmes et initiatives clés a été faite par le groupe plus large (trajectoire détaillée), et sa formalisation ainsi que le travail d’interprétation ont été réalisés par le groupe plus restreint de la trajectoire avec des interactions régulières avec le groupe plus large.
Frise détaillée
La frise temporelle détaillée (1980-2020) pointe des éléments clés de contexte global (crises sanitaires, covid etc.), les politiques publiques (en haut) et les initiatives initiées par les acteurs du développement agricole, de la valorisation/distribution, associatifs ou multi-partenaires (en bas) déterminantes dans la transformation du système agrialimentaire au fil du temps.
Sur ce territoire les politiques régionales (soutien aux projets territoriaux et au milieu associatif) et européennes (programme Leader) ont eu un rôle majeur, et le PNR créé en 2001 a joué un rôle important d’abord sur des productions emblématiques (la chataigne) puis plus largement sur la transition agri-alimentaire.
Les initiatives émanant des organisations agricoles ont été nombreuses et précoces sur la valorisation et la mise en marché des produits (indications géographiques, marque Goutez l’Ardèche, plus récemment d’Ardèche et de Saison), tandis que dès les années 1980 des groupes d’agriculteurs « alternatifs » créaient des outils opérationnels collectifs (ateliers de transformation, magasins collectifs) et dans les années 1990, des structures et réseaux d’agriculture paysanne, biologique, de développement rural. Ces initiatives se renouvellent avec par exemple les drive bio plus récemment, et l’accompagnement de l’installation agricole. Diverses associations locales liées aux questions écologiques et d’éducation à l’environnement, ont aussi développé, surtout dans la période récente, des initiatives autour de l’éducation, de la santé, de l’inclusion sociale. Enfin, la période récente voit plus d’initiatives multi-acteurs portées notamment par les collectivités territoriales dans le contexte plus large d’institutionnalisation de la «transition alimentaire».
Frise synthétique
La frise synthétique montre la recomposition des dynamiques à l’œuvre dans le système agri-alimentaire territorial au long de quatre grandes périodes soit depuis le milieu du XIXème siècle, avec ses points de basculement majeurs.
Jusqu’aux années 1950/60, le système agri-alimentaire est diversifié, majoritairement tourné vers un marché local et de fait relativement écologisé. Les systèmes agricoles associent cultures et élevage, l’autoconsommation et les échanges en proximité restent élevés.
Des années 1960 au début des années 1990, on a un fort mouvement de spécialisation/intensification, et c’est l’âge d’or de l’arboriculture. Le système agri-alimentaire de plus en plus « tiré » par la grande distribution. Les dynamiques d’installation de nouvelles populations rurales et l’émergence de nombreuses démarches de qualité visant à différencier les produits atténuent quelque peu les effets de la modernisation agricole, par rapport à d’autres territoires.
De 1995 au début des années 2010, on voit une consolidation des démarches de qualification, l’affirmation de l’enjeu de multi-fonctionnalité, un foisonnement des initiatives autour de l’alimentation de qualité et de proximité, fortement appuyées par les politiques territoriales.
Enfin depuis 2015 environ : la montée de l’urgence environnementale et climatique et des questions de santé et d’inclusion sociale conduit à d’intenses débats autour de la nécessaire reconfiguration du système agri-alimentaire.
Représentation systémique des 4 périodes
L’interprétation de la trajectoire s’est appuyée sur une perspective systémique visant à identifier les changements dans les configurations de pouvoir au sein du système alimentaire territorial. Cette perspective systémique a été appliquée à l’échelle de l’ensemble du système alimentaire territorial et a conduit à caractériser chaque période par les interactions qui caractérisent les configurations de pouvoir dans cette période donnée par rapport à d’autres périodes (pouvoir exercé par une composante sur une autre, ex. détaillants et intermédiaires sur les agriculteurs, pouvoir exercé réciproquement par deux composantes l’une sur l’autre, ex.
Les agriculteurs sur les politiques publiques ; les alliances de deux composantes, par exemple les agriculteurs et la société civile). La perspective systémique a également été appliquée à l’échelle d’initiatives ou de programmes clés. Les participants du petit groupe de trajectoire ont suggéré des focus sur des initiatives ou programmes clés dans le but d’identifier quelles interactions et configurations de pouvoir étaient en jeu dans ces initiatives, comment elles ont été transformées ou au contraire ont pu entraver la transition.