Le territoire
Rennes est une ville moyenne attractive, la plus dynamique de Bretagne en matière d’initiatives alimentaires, avec une forte croissance du nombre d’Amap notamment, des marchés de plein air et des magasins coopératifs. Certaines associations locales organisées en réseau collaboratif, très dynamiques sur la sensibilisation aux enjeux et pratiques agroécologiques, proposent des centres de ressources ou des formations auprès de larges publics. En termes de soutien politique à la transition agroalimentaire, une stratégie alimentaire locale à l’échelle de la ville a été lancée en 2014, basée sur l’introduction d’aliments bio et locaux dans la restauration scolaire. Une stratégie agricole et alimentaire émerge également à l’échelle de la métropole visant à soutenir l’agriculture biologique. Sur le territoire, la protection de la qualité de l’eau est l’un des principaux enjeux qui conduisent les acteurs locaux à s’engager dans la transition agroécologique. L’agriculture conventionnelle, largement développée pour des productions intensives comme le porc et le lait dans toute la région Bretagne, génère depuis plusieurs décennies des controverses et critiques fortes quant à son impact environnemental.
Référent(e)
Doriane Guennoc (Terralim)
Autres participants
Gilles Maréchal (Terralim)
Catherine Darrot (Institut Agro – external to the project)
doriane.guennoc[at]inrae.fr
Système alimentaire territorial
Type de région : Rural spécialisé
Superfice et population approximative
452 000 habitants ; 700 km² ; 640 habitants/km².
Une population en augmentation
Type d'agriculture
1 exploitation pour 200 habitants ; taille moyenne de 60 ha (Ille-et-Vilaine).
Agriculture industrialisée (vaches laitières et viande de porc ; petites exploitations maraîchères pour la vente directe.
Circuits courts (et antériorité)
Bien développé grâce à des types d’initiatives diversifiés.
Premiers magasins collectifs de producteurs au début des années 90.
Généralement en augmentation, notamment au début de la crise de Covid mais doute de cette tendance 2 ans plus tard.
Principaux problèmes sociaux
6,5 % de chômage en 2020.
Forte densification et gentrification, attractivité entraînant une augmentation du coût de la vie ; inégalités d’accès à la nourriture.
Présence de systèmes agro-écologiques
Agriculture biologique = 13% des exploitations, 12% de la surface agricole.
Forte croissance de l’agriculture biologique pour presque tous les secteurs agricoles.
Dynamiques et initiatives spécifiques aux systèmes agroalimentaires (et antériorité)
AMAPs, magasins collectifs de producteurs, marché de plein air, drive, coopératives de citoyens, projets d’agriculture urbaine, initiatives d’assistance alimentaire.
Sensibilisation aux enjeux de la justice alimentaire et développement d’initiatives et de débats liés à l’accès à une alimentation de qualité.
La transition agroalimentaire
Principaux enjeux de la transition : Pollution de l’eau, de l’air et des sols / Préservation du paysage forgé par l’élevage laitier (haies, pommiers, biodiversité / accessibilité des aliments / éducation alimentaire)
Principaux obstacles à la transition vers l'agroécologie
Fragmentation et sectorisation de l’élaboration des politiques ; influence des lobbies défendant les pratiques agricoles conventionnelles ; évolution du rôle de la Chambre d’agriculture et de la stratégie de soutien aux autorités locales.
Les principaux acteurs de la transition
Collectivités locales, établissement public (Agence de l’eau), Mais concurrence ou contradictions entre eux, Quelques start-ups, Industries agroalimentaires pour les produits biologiques, Grande coopérative de consommateurs (Scarabée biocoop)
Institutionnalisation de la transition agroalimentaire
Relocalisation, agriculture urbaine et périurbaine, emploi local, biologique/agroécologique/conventionnel ; l’alimentation comme drapeau de toute la transition.
Acteurs exclus des projets
L’accès à l’alimentation biologique est considéré comme limité pour les publics précaires. Cependant les projets d’agriculture urbaine sont orientés vers ces publics. Une formation agroécologique vers les personnes en insertion est en cours de développement. Les femmes sont largement représentées dans les projets de transition agroécologique
Initiatives clefs
Projet militant multi-acteurs qui vise à développer un système alimentaire diversifié et productif dans une zone urbaine de 450 ha initialement dédiée à des activités agricoles soumises à la pression foncière.
Terre de Sources
Marchés “drive” de produits biologiques organisés par l’organisation des producteurs biologiques locaux
Brin d’herbe
Marché de producteurs pionniers né en 1992 prônant le maintien d’une agriculture paysanne et agroécologique dans la région ainsi qu’une juste rémunération des producteurs.
Notre approche
En tant que membres du groupe de coordination de la méthodologie, nous avons utilisé et testé toutes les lignes directrices proposées par le WP3. Comme elles étaient en phase de construction, nous avons parfois dû les adapter.
Le territoire de Rennes a été choisi en raison de la grande quantité d’informations disponibles depuis les années 90.
- Partenariat avec l’équipe de recherche Agrocampus, pour observer la trajectoire de Rennes depuis le début des années 2000 et y contribuer
- Les acteurs historiques et les décideurs toujours impliqués et disponibles pour des entretiens
- Un grand nombre de mémoires de master sur le système alimentaire territorial dans une perspective systémique
- Des recherches telles que le projet Frugal
Le problème d’une telle abondance de sources était principalement d’identifier et d’ordonner ces documents épars et disséminés. Nous avons donc concentré nos recherches sur :
- L’interprétation avec une vision ATTER, dans une perspective socio-historique, des résultats récents (2000), produits par le projet Frugal, qui comprenait déjà une chronologie ;
- Des entretiens sur des questions moins documentées avec de “nouveaux” contributeurs.
ATTER étant une recherche collaborative, nous avons privilégié les services que nous pouvions rendre à la communauté locale.
- Pour rassembler les informations et sensibiliser les acteurs à la quantité et à la diversité des documents disponibles ;
- Utiliser le projet pour contribuer à l’offre éducative en incluant l’ensemble de la classe d’un master international, et les aider à découvrir le territoire avec une « vraie » tâche scientifique et un accès facile aux acteurs clefs.
Trajectoires
Méthode
Le matériel a donc été collecté et synthétisé par un groupe d’étudiants internationaux en master au cours d’un projet de deux mois. Ils ont réalisé 20 entretiens avec un large éventail d’acteurs locaux explorant les domaines de la recherche, du conseil, des politiques publiques, de l’activisme, de la production alimentaire et du secteur privé. La supervision a été assurée par les référents du CS, un enseignant sociologue rural et un chercheur du projet ATTER qui devait initialement venir pour un détachement. Un premier projet de calendrier et de guide associé a été fourni. Ces documents seront utilisés pour alimenter la stratégie intersectorielle et multi-acteurs des autorités locales et des collectivités territoriales.
Frise détaillée
La frise chronologique détaillée vise à montrer l’évolution du contexte agricole en Bretagne, son influence sur le système agroalimentaire de Rennes Métropole et à mettre en évidence les spécificités de cette zone urbaine en termes de transition agroalimentaire.
Depuis la période de l’après-guerre, la voie du développement agricole était le paradigme productiviste. Cela peut s’expliquer par un certain nombre de dynamiques nationales et mondiales telles que la PAC lancée en 1962 ou, plus tard, la fin du système des quotas laitiers. Les agriculteurs ont ressenti la pression extérieure du “grow or go” qui a donné la priorité à une production plus élevée avec des pratiques de plus en plus axées sur les intrants (pesticides, azote à base de combustibles fossiles).
Cependant, la crise de la vache folle a marqué un tournant. La volonté de la société civile de s’émanciper du modèle agro-industriel s’est traduite par la création du premier magasin de producteurs en 1992. Pionniers à l’époque, ces points de vente se sont multipliés avec le soutien de la collectivité locale soucieuse de développer la production locale. De fait, à partir des années 80, l’objectif principal des autorités a été d’intégrer les activités agricoles dans la vision problématique de la gestion et du développement des terres urbaines. Le modèle d’urbanisme “Archipel”, qui préconise la séparation des centres-villes avec les espaces agricoles et naturels, a été approuvé comme orientation stratégique pour le développement de la ville en 2000. Ce modèle façonne encore aujourd’hui le paysage de Metropolis. Dans ce contexte, les initiatives d’agriculture urbaine sont soutenues par la ville de Rennes, qu’elles soient non professionnelles (association “Vert le jardin” depuis 2012) ou professionnelles (installation de PermaG’Rennes). La protection de l’eau est également considérée comme un enjeu majeur à plus grande échelle. Le projet Terres de Sources vise à soutenir les agriculteurs qui s’engagent à considérer la préservation de l’eau comme un objectif central de leur système de production en sécurisant leurs débouchés. En 2014, dans le cadre du Plan Alimentation Durable de la ville de Rennes, la première cantine scolaire a été approvisionnée en produits labellisés “Terre de Sources”.
En conclusion, la frise chronologique montre une succession d’enjeux plus ou moins ancrés (aménagement du territoire, protection de l’eau, filières courtes, agriculture urbaine, restauration collective, lutte contre l’insécurité alimentaire), portés par une ou plusieurs institutions (ville, métropole, Pays de Rennes, Syndicat des eaux, etc.), générant parfois des relations conflictuelles ou, à l’inverse, des relations partenariales. Ceci nous invite à approfondir, dans un schéma interprétatif, le rôle des différents acteurs dans les différentes problématiques évoquées ci-dessus.